OBSCURAE LIBRARIUM

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mardi 11 novembre 2014

Etoiles Filantes (concours de nouvelles)





MAI 2013
Après ma cinquième position lors du concours précédent, j'ai à nouveau participé aux Lettres de Sang. Cette fois le concours proposait une scène bien plus vaste avec possibilité multiples en matière d'action. 
J'ai finalement opté pour un simple humain comme acteur, désireux de mettre en avant la cruauté du 41ème millénaire vue par les yeux d'un simple citoyen, goutte d'eau parmi un océan de mortels dans cet univers où ne règne que la guerre.
J'ai obtenu pour ce concours la deuxième place, l'idée ayant fortement plu. Le gagnant cependant m'a bluffé par un texte ayant amené un dénouement façon cliffhanger qui m'a forcé le respect.
Les règles étaient les suivantes:

"Ils arrivent...":

une situation:
"Lieu : système de Talia.
Composition : 4 planètes et 3 lunes majeures.

Illiya : monde de type désertique. Atmosphère respirable.
Talia : principale planète du système du même nom. Monde au climat semblable à la Terra d’antan. Recouverte à plus de 60% de terres immergées et de jungles tropicales.
Bluerith : Une lune aquatique parsemée de rares îles.
36.2 :  *archives sous scellé inquisitorial*
Zuminar : monde au climat polaire. Deux lunes jumelles, Rio et Mio, ressources minières d’intérêt.

++Fin du Rapport++

En attente d'instruction..."
L'introduction du récit
"Ils arrivent ... La mort se fait sentir à chacun de leur pas. Ils arrivent... Dans la pâle lumière du soleil couchant ... Ils arrivent"

Au départ, je m'étais penché sur cette même idée mais vue par les yeux de Space Marines venus purger ce système, ce afin de pouvoir évoquer les autres mondes. Mais j'ai trouvé au final plus intéressant de parler de cet événement au travers des yeux d'un pauvre citoyen innocent. Notamment pour cyniquement soulever que par moments dans ce sombre millénaire, les innocents étaient malmenés par les ennemis de l'Imperium mais parfois aussi par l'Imperium lui même, étant des denrées sacrifiables parmi des milliards d'autres.

Liens du concours original:

Voici mon texte:




******************

ETOILES FILANTES:


"Ils arrivent... La mort se fait sentir à chacun de leurs pas. Ils arrivent... Dans la pâle lumière du soleil couchant... Ils arrivent." Le graffiti s'étalait sinistrement sur le mur délabré, ses traits à moitié effacés par le temps et les combats. 
Au sol, ratatiné au pied de la paroi, gisait un cadavre brisé, la peau tannée et momifiée par le vent glacial de Zuminar, les traits du macchabée figés pour l'éternité en une expression d'intense souffrance. Sa main squelettique tenait toujours une canette de peinture depuis longtemps corrodée, reposant sur sa poitrine éclatée, ses côtes s'ouvrant comme les ailes d'un macabre volatile.

Tremblant à cause du froid et de l'appréhension, le citoyen impérial portant le nom d'Haster Tuvius était recroquevillé contre un tas de gravats, juste à côté du corps sans vie qu'il fixait d'un regard vide. Le pauvre type avait dû être surpris par les licteurs noirs alors qu'il peignait les sombres mots sur le mur de ce qui avait été jadis un bâtiment de l'Administratum, tandis que la cité était envahie. 
Sa mort avait de toute évidence été lente et abominable, Haster savait depuis les premiers jours comment agissaient les milices de leur oppresseur. Il avait vu les affreuses exécutions publiques bien trop de fois, forcé par l'envahisseur à regarder mourir des gens innocents, parmi lesquels il avait compté bien trop d'amis et de proches. 
Mais l'horreur finit par durer assez longtemps pour émousser ses émotions et le rendre insensible à son sort et à celui des autres.
Il fallait se rendre à l'évidence. L'Empereur avait détourné Ses yeux de Zuminar depuis bien trop longtemps pour que quiconque puisse garder espoir.

Cela faisait trois ans que les sombres cohortes du Magister avait foulé de leurs pieds le sol enneigé de Zuminar, mettant chacune de ses villes à feu et à sang, prélevant des millions de vies en tribut à leurs divinités exécrables, faisant tant couler le sang que la neige avait pris une teinte ferreuse sur bien des endroits. 
Les bourgades paisibles avaient été pillées, ses bâtiments rasés, ses habitants jetés dans les mines,  torturés ou laissés mourir de froid et de faim, pour le plus grand divertissement de l'ennemi. 
De gigantesques gibets avaient fleuris un peu partout comme une immonde plante parasite dont les fruits tombant en grappe étaient des dizaines, des centaines de malheureux sacrifiés à des dieux sanguinaires. 
Le vent charriait une odeur de mort et de désespoir et ses mugissements stridents se mêlaient aux râles d'agonie de milliers d'âmes en peine attendant que vienne leur tour d'être immolé sur les obscènes autels de l'envahisseur.

La citadelle de glace, autrefois une fière forteresse répandant la splendeur impériale sur les régions glaciaires de Zuminar, avait été prise comme foyer par le Grand Ennemi, désacralisée et profanée de telle façon que nombreux furent ceux et celles à préférer mettre fin à leurs jours plutôt que de supporter cet horrible spectacle. 
Le gouverneur planétaire et tous les officiels impériaux avaient étaient torturés en public durant des jours avant d'être laissés sur l'échafaud, condamnés à lentement mourir gelés. Leurs carcasses rabougries y étaient toujours, trois années d'horreur après. 

Le temps passa affreusement lentement, comme si par leurs sombres maléfices, les sorciers qui les avaient asservis avaient enfermé Zuminar dans un espace temporel différent. Haster avait depuis vu suffisamment d’aberrations pour pouvoir croire à une idée si folle.
Réduit comme tous les autres en esclavage, il avait trimé pendant toute une année dans une mine pour le compte de ses nouveaux maîtres, avant que ceux ci, lassés de leurs jouets, ne les rejettent hors de l'installation lorsque celle ci fut vidée de tout son minerai. 
Les licteurs noirs arrivèrent, dans leurs manteaux plus sombres que la nuit, avec leurs masques de métal grimaçant et leurs griffes depuis longtemps oxydées par tout le sang qu'elles avaient fait couler. Ils étaient des centaines, et par une terrible soirée ils fondirent sur les bidonvilles de l'installation minière pour massacrer tout le monde. 
Si l'air glacial de son monde n'avait pas gelé presque instantanément les torrents de sang qui avaient été versés, Haster était sûr qu'ils auraient pu noyer la mine toute entière, comme un lac souterrain rubicond.
Par chance - ou peut être par malchance, il ne savait même plus quoi en penser – Haster était parvenu à fuir avec une poignée d'esclaves pour rejoindre comme un rat les ruines de la cité, à moitié ensevelie par la neige, les arrêtes de ses bâtiments perçant timidement le manteau blanc comme des bris d'os pointant au travers d'une vilaine blessure.
Le blizzard eut raison de certains d'entre eux, Haster et les survivants se terrant dans les décombres comme de la vermine, obligés de trouver tout et n'importe quoi pour subsister, des ordures jusqu'aux cadavres congelés.

Rendu presque fou par ces conditions abominables, le fugitif avait progressivement abandonné tout espoir, délaissant ses congénères dont beaucoup étaient pour ainsi dire revenus à l'état sauvage, cannibales aux grognements inintelligibles, nouvelles créations impies de l'ennemi. 
Haster pour sa part s'était désespérément accroché aux dernières bribes de raison qui lui restaient, mais plus les jours passaient, et plus celle ci s'étiolaient, le faisant errer hagard dans le cimetière qu'était devenu son monde.

Comment il en était venu à se retrouver aux côtés de ce cadavre anonyme, il ne le savait plus, tout comme il ne savait plus depuis longtemps quel but il poursuivait. Les sombres puissances qui enserraient Zuminar de leurs griffes hérétiques avaient fini par obtenir ce qu'elle recherchaient, arrachant à leurs victimes leur humanité, sans même avoir besoin de les convertir au terme d'une éternité de tortures sur la grand place.
Haster ne savait plus en quoi croire, il ne savait même plus qui il était vraiment, à part un cadavre ambulant attendant que sa patrie ait pitié de lui et n'embrasse son corps meurtri de son étreinte glaciale pour que son âme puisse connaître enfin le repos. Mais même Zuminar semblait s'être détournée de lui, puisqu'il errait toujours comme un fantôme, survivant à sa misérable fuite depuis un temps incalculable.

Ruminant ces amères pensées, pour la première fois depuis ce qui lui semblait une éternité, Haster se mit à pleurer, ses larmes gelant aussitôt qu'elle commençaient à rouler sur ses joues creusées. Il se recroquevilla un peu plus, resserrant les quelques haillons qui lui restaient pour protéger sa silhouette de mort vivant des morsures du vent impitoyable.
Le soleil commençait à décliner, et au travers des bourrasques de blizzard enneigé, on pouvait déjà apercevoir les lunes jumelles, Rio et Mio, dont le contact avait déjà été perdu quelques jours avant l'invasion.

Dans le ciel, il put entrapercevoir les étoiles scintillantes qui commençaient à apparaître, et il lâcha un soupir secoué de sanglots, prêt à donner n'importe quoi pour se trouver sur l'une d'entre elle, n'importe laquelle, plutôt que de demeurer dans cet enfer.
Il put voir certaines d'entre elles se mouvoir en traits blancs, comme une flèche céleste décochée vers son monde profané. Il repensa fugacement à une vieille légende de Terra qui voulait que l'on fasse un vœu à la vue d'une étoile filante, mais il n'avait même plus la force d'en formuler un avec assez de force pour croire qu'il allait se réaliser. Il voulait seulement être libéré de ce cauchemar.

La pluie d'étoiles filantes s'intensifia, de plus apparaissant, certaines produisant un sifflement anormal, accompagnée d'un lointain grondement, qui lui même finit par se clarifier en une symphonie discordante de coups de tambours abyssales et de craquements de tonnerre.
Intrigué, Haster s'aida du mur en ruine pour se relever en tremblant de plus belle alors que le vent froid s'insinuait dans les vestiges de ses vêtements. Il tendit l'oreille, et son ventre se noua un peu plus alors qu'il reconnut le fracas caractéristique de la bataille. 
Encore un raid des phalanges du Magister? Ou bien un nouvel acte désespéré de la résistance?
Il se mit à ramper en quête d'une terrier où se cacher, son instinct de survie prenant le dessus sur sa raison, dans une volonté dérisoire de prolonger un peu plus sa triste existence, car il savait que rester là signerait sa perte si les combats se portaient jusqu'à lui.

Soudain il se figea, après seulement quelques pas hésitants, discernant dans le brouillard neigeux de vagues silhouettes s'avançant dans sa direction, leurs pas résonnant lourdement. Il fut saisi de terreur lorsque se détachèrent du voile un groupe de quatre géants en armures grises, couvertes de trophées et de fourrures, leur faciès évoquant un masque de mort furieuse, leurs mains enserrant des armes de destruction totale. Leurs poitrines de fer arboraient chacune l'aigle impérial, et sur leurs épaules grognait un loup en chasse.

Il tomba à genoux alors que se révélaient à lui les Loups de l'Empereur, et ses yeux inondèrent ses joues de larmes de glace tandis qu'il rendait grâce à l'Empereur d'envoyer ses Anges libérer Zuminar. 
Trop choqué par cette vision bénie, il n'entendit même pas l'un d'eux qui s'adressa aux autres d'une voix d'outre tombe: " Suivez le protocole, ce monde est perdu. Purifiez le corrompu.". 
Il était encore en train de se répandre en prières et remerciements vains alors que les géants levaient leurs armes sans plus de cérémonie.
Son corps sursauta quand il fut arraché du sol par une courte rafale, et s'écrasa, brisé, aux côtés du tagueur anonyme.

Les yeux mourants d'Hatser Tuvius accrochèrent une nouvelle fois le graffiti et ses mots prophétiques, et un vague sourire se fit sur ses lèvres ensanglantées.
Au delà du mur, la dernière chose qu'il vit de ce monde furent les étoiles filantes qui pleuvaient de plus en plus nombreuses.
Son voeu était exaucé. Il était libéré.

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