OBSCURAE LIBRARIUM

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mardi 11 novembre 2014

Chienne de Destinée (concours de nouvelles)



MARS 2014
N'ayant pas participé par manque de temps aux deux derniers concours des Lettres de Sang, je revins pour l'édition n°8. Le sujet était assez libre mais l'introduction plus précise.
Après avoir longuement hésité sur le sujet, j'optais pour un hommage à un des personnages de 40k que j'affectionne le plus: le Commissaire Ciaphas Cain.
Je n'ai pas obtenu le podium malgré de bons retours, obtenant la sixième place.
Les règles étaient les suivantes:

Et pour quelques cartouches de plus...:

une situation:
aucune particulière cette fois.
 Cependant, le maître de concours a donné l'instruction suivante concernant l'introduction imposée: "Les "chargeurs" sont adaptables à n'importe quel type de munition selon les races choisies (shurikens, tir à impulsion,  etc...) et selon la technologie utilisée (chargeurs pour munition à poudre, cellule énergétique pour laser, plasma,  etc...).

De même, le mot "masque" qui peut être compris comme un casque, heaume, visière etc..."
  
L'introduction du récit
"L'aube commençait à distiller sa teinte dorée à travers ce ciel encrassé par les gaz de combats, il respirait péniblement derrière son masque, tentant de reprendre un souffle voué à s'éteindre. Accroupis derrière un pilier ravagé par la mitraille adverse, il observait stoïquement la scène. Les ombres ennemies se faufilaient vers leur position mise à mal. La perspective d'une curée vengeresse donnait à ces chiens une audace répugnante. Le massacre avait duré toute la nuit. L'approvisionnement en munitions avait cessé il y à plus de deux heures, le laissant perplexe quant à l'état des lignes arrières. Plus aucune communication ni réponse n'était parvenue à son escouade en perdition. Son unité et lui étaient dangereusement isolés du reste des leurs, désormais les seuls à tenir cette section du front. Sa main engourdie par le combat ininterrompu se dirigea vers son dernier chargeur ...."

Ce fut mon dernier concours à ce jour sur le Black Librarium. par la suite j'ai poursuivi quelques écrits mais petit à petit je me suis éloigné du forum, mon temps bien vite bouffé par d'autres occupations. C'est à cette période que j'ai laissé en suspens mes nouvelles 40k, désireux de les améliorer. De même, c'est aussi peu après que j'ai posé les premières pierres pour mes deux projets de novellas SciFi et Médiéval Fantasy.

Liens du concours original:

Voici mon texte:




******************

CHIENNE DE DESTINEE:




L'aube commençait à distiller sa teinte dorée à travers ce ciel encrassé par les gaz de combats, il respirait péniblement derrière son masque, tentant de reprendre un souffle voué à s'éteindre. Accroupis derrière un pilier ravagé par la mitraille adverse, il observait stoïquement la scène. Les ombres ennemies se faufilaient vers leur position mise à mal. La perspective d'une curée vengeresse donnait à ces chiens une audace répugnante. Le massacre avait duré toute la nuit.
L'approvisionnement en munitions avait cessé il y à plus de deux heures, le laissant perplexe quant à l'état des lignes arrières. Plus aucune communication ni réponse n'était parvenue à son escouade en perdition. Son unité et lui étaient dangereusement isolés du reste des leurs, désormais les seuls à tenir cette section du front.
Sa main engourdie par le combat ininterrompu se dirigea vers son dernier chargeur. Il compta ses munitions, avec l'air maussade de l'homme pris au piège, aux portes de sa destinée, puis l'enfonça dans son pistolet bolter en maugréant.
Au loin, le grondement sourd de l'artillerie marquait la cadence d'une macabre mélodie à laquelle venaient se joindre les chœurs des mourants, les soli endiablés des décharges lasers et les cavalcades pétaradantes des lames tronçonneuses.

Sa destinée... Quelle drôle d'affaire! Combien de fois aurait il dû mourir, et combien de fois en avait il réchappé par un quelconque miracle. Était-ce l'Empereur? La bonne fortune? Le Warp?... Il n'en savait rien, et aujourd'hui n'en avait cure. C'était comme ça depuis le début, et il s'y était fait.
Même embourbé jusqu'au genoux dans une situation des plus déplorables, il avait survécu. Même lors des pires moments de son existence, il avait surmonté les épreuves pour en ressortir rayonnant.
Sa mère devait avoir passé un drôle de marché avec l'Empereur-Dieu pour lui avoir donné autant de chance, à moins qu'il s'agisse là d'un humour particulièrement mesquin de la part du Maître de l'Humanité, qui veillait sur lui comme aimaient à lui répéter ses plus fervents – et insupportables - admirateurs.

Il en avait encore les preuves ici, sur ces terres ravagées par la guerre, au sol labouré par les obus dont les seuls floraisons étaient désormais les entrailles des pauvres bougres qui s'étaient trouvés au mauvais endroit au mauvais moment.
La campagne pour la récupération de Sanderis Prime avait pourtant débuté sous les meilleurs auspices, les forces renégates en nombre relativement bas face au régiment dont il faisait partie. Les rebelles s'étaient directement attaqué au gouverneur, un homme aussi vif qu'une larve de mouche, qui mourut dès les premières heures de l'insurrection alors qu'il croyait à un bain de foule donné en sa gloire. La seule gloire qui lui fut donné pris la forme de cent cinquante grammes de plomb tirés à bout portant.
La cité tomba rapidement aux mains des révoltés, et le reste de Sanderis Prime suivit relativement vite.

Le hasard faisant bien les choses, son régiment était en transit, tout proche de la planète, et le Munitorum s'empressa de les dépêcher sur place pour prêter main forte aux derniers loyalistes qui tentaient de résister à la vague de blasphèmes déferlant sur leur patrie, tentative aussi fructueuse qu'un Ogryn essayant de comprendre les mystères de l'existence.
S'ensuivirent trente deux jours d'âpres combats qui purgèrent un à un les bastions rebelles, l'avancée se faisant avec autant de facilité qu'une lame tronçonneuse passée au travers d'une motte de beurre, pavant la route vers la victoire d'un tapis de cadavres suppliciés et de forteresses mises à bas.
Elle aurait dû être la dernière cité à tomber, elle fut la première à les repousser. Ce fut sanglant et sans pitié. En y repensant, il se demande bien comment le commandement avait pu se montrer aussi crédule et foncer tête baissée dans un tel piège. D'un autre côté, il fallait bien avouer que le succès - trop rapide - de cette campagne était sûrement monté à la tête des officiers avec la force d'un vieux cognac cadien.
Quoi qu'en fut la raison, le colonel n'attendit pas et donna l'assaut avec la même patience qu'aurait éprouvé une jeune recrue lorsqu'on lui remet son premier fusil laser standard en lui permettant d'en user librement. Et comme souvent dans ces cas là, le résultat est particulièrement douloureux.
En l’occurrence il fut affreusement meurtrier.

Les premières vagues de l'assaut s'écrasèrent littéralement sur des murs lourdement défendus par des cohortes de rebelles armés jusqu'au dents, et furent anéanties sans avoir put effectuer de percée satisfaisante.
Probablement agacé par un tel échec, et pressé d'en finir, le colonel pris la décision qu'il jugea la plus sage lorsqu'il constata une telle capacité de résistance: il ordonna une nouvelle charge.
Cette fois, les forces de libération purent percer les défenses adverses et pénétrèrent dans la cité à coups de lames, de tirs et d'un fort usage d'explosif. Si la cité avait été un être vivant, c'est comme si son poitrail venait subitement d'éclater.

Mais les insurgés tinrent bon, et contre attaquèrent avec cette insolence qui était devenu leur trait de caractère le plus évident. Le régiment éclata, chaque compagnie livrée à elle même, puis chaque peloton, puis chaque escouade. Une véritable débandade digne de la meilleur des stratégies de repli qui aurait été mûrement réfléchi par un Ork.
Les communications se firent sporadiques et les renforts de plus en plus difficiles à rejoindre. La nuit tomba rapidement sur une cité qui s'écroulait sur elle même, emportée par la furie des combats et un bombardement massif, deuxième décision sagement décidée par le colonel.

Il se remémorait sans peine la difficulté qu'il eut à joindre les bouts avec les autres escouades disséminées dans le labyrinthe de ruelles de la cité, une nuit noire ayant été jetée sur eux telle un linceul anticipé, la seule luminosité provenant des torrents de flammes vomis par les bâtiments dévastés.
Une chaleur étouffa rapidement la ville, et la progression devint des plus difficiles. Les ennemis étaient partout, en terrain connus, surgissant de leurs cachettes comme des diables moqueurs, pour se fondre à nouveau dans le décor en laissant derrière eux une masse de cadavres, dont les visages demeuraient crispés en une expression de morbide surprise. Du moins c'est ce qu'il constata avec dégoût lorsque son groupe parvint enfin à rejoindre une de leurs escouades perdues.

La bataille lui sembla durer toute une éternité, et plus d'une fois il crut à sa fin avant que sa chance insolente ne lui épargne à nouveau d'aller rejoindre la droite de l'Empereur pour converser avec Lui sur son sens de l'humour si particulier.
Poussé par sa notoriété qui lui collait à la peau comme un détestable parasite, il haranguait ses hommes pour les motiver dans leurs attaques, tout en essayant de se convaincre lui même avant tout. Et ils l'écoutaient avec dans les yeux l'espoir de se sortir de ce cauchemar vivants grâce à lui, et de se couvrir de gloire à ses côtés, le sabre au clair et la prière aux lèvres.
Il avait souvent été tenté de les laisser faire, de les laisser partir en avant, tandis que son esprit calculateur cherchait une solution plus viable pour se tirer de ce merdier sans nom. Mais à chaque fois des tirs hostiles claquèrent et le ramenèrent docilement au sein du rang pour endosser à nouveau son rôle d'icône de motivation.

Bien sûr il haïssait l'ennemi pour ce qu'ils étaient, pour l'affront qu'ils représentaient et la honte qu'ils jetaient sur l'Imperium en tournant ainsi le dos à leur Empereur. Mais il ne pouvait s'empêcher de maudire les hommes qui le suivaient partout, tel un rappel cinglant du rôle honteux que son insupportable chance l'avait forcé à adopter. Il ne pouvait s'empêcher de détester leur stupide résolution à aller mourir en chantant pour la gloire d'un Imperium qui au final n'avait pas grand chose à faire d'eux du moment qu'ils menaient leur tâche à bien. Il ne pouvait s'empêcher de songer à leur crier de se débrouiller sans lui et d'aller mourir où bon leur semblait avec comme seul ordre strict et non négociable de le laisser en paix.
Et à chaque fois qu'il se tournait vers eux pour les envoyer paître, il voyait ces visages sereins, sérieux et confiants tout à la fois qui le considéraient en attendant son prochain ordre. Et il ne pouvait alors que leur indiquer leur prochain mouvement en cachant à grand peine sa lassitude.
Le maudit dans l'histoire, c'était lui, et lui seul.

Laissant là toute pensée amère, et refoulant son énervement le portant à la frontière si mince entre être un soldat aimé et être un hérétique qu'on transforme en descente de lit, il jeta à nouveau un regard vers les positions ennemies révélées par l'aube naissante, un réseau de bunkers de fortune et de tranchées davantage creusées par l'artillerie impériale que par des bras renégats. Tout autour s'étalaient des monticules de corps désarticulés, étalés aux quatre vents par les tirs haineux des hérétiques qui, goguenards malgré la promesse d'une fin de vie face à un peloton d'exécution – dans le meilleur des cas, ne cessaient de hurler leurs blasphèmes et leurs défis, injuriant, crachant et se moquant des gardes perdus au milieu de cet enfer de destruction.
Quelques imbéciles mordaient parfois à l'hameçon, se jetant à l'attaque dans un cri inarticulé dans un désir de rendre justice à l'Imperium à eux tout seuls, espérant incarner la divine colère de l'Empereur en abattant toutes ces ordures, pour attendre leur récompense sur une montagne de cadavres.
Généralement, les seules médailles qu'ils recevaient étaient alors plusieurs cratères sanglants en travers du torse, ou alors ils avaient l'infâme honneur de sauter non pas vers une gloire infinie, mais sur une mine dissimulée entre deux morceaux de leurs prédécesseurs.
Ca et là cependant, il avait tout de même la satisfaction de distinguer les restes de renégats trop sûrs d'eux et que son escouade et lui avaient très justement corrigés en leur attribuant leur propre version d'ornementation et de récompenses.

Il jeta un regard interrogateur à son officier radio, espérant que les transmissions aient reprises, promettant leur lot de renforts, de ravitaillement et de perspectives d'en finir avec cette boucherie grand-guignolesque, mais la seule réponse qu'il reçut fut un lent "non" de la tête et le soupir synchronisé poussé par le reste de l'escouade.
Ils étaient coincés, et la seule alternative de sortie ne lui plaisait pas du tout, les récompenses promises n'étant pas du tout de son goût comparées à celles qu'il recevait habituellement.
Mais il semblait bien qu'ils n'aient guère le choix que de rebrousser chemin au risque de se perdre toujours plus loin en territoire ennemi, ou tenter leur chance en prenant d'assaut cette position offrant une bonne protection, même provisoire.
Peut être même des rations et une radio en état de fonctionner...

Une odeur détonna parmi le florilège de senteurs typique de la guerre, mélange subtil de fycelène, de fumée, de sang et autres fluides corporels tout aussi répugnants, et il se retourna en reconnaissant sa fidèle ordonnance surement venu le ramener à la réalité à l'aide de ses conseils aussi subtils qu'un xenomorphe tyranide, et ses émanations corporelles qui auraient suffit à tuer ce même xenomorphe.

"Alors, qu'est ce qu'on fait maintenant? On fonce?" demanda ce bouquet d'arômes vomitifs.
"A-t-on un autre choix, et par la Grâce de l'Empereur réponds moi par l'affirmative."
L'ordonnance haussa les épaules avec une expression aussi préoccupée que celle d'un serviteur au repos. La réponse était évidente.
"Je crois bien que non, Commissaire. Va falloir tenter le coup." dit l’ordonnance.
"Je déteste vraiment quand tu dis ça, Jurgen..." grogna-t-il en réponse.

Il se leva alors et ramena son épée tronçonneuse à la vie, en refluant au plus profond de lui son envie subite de prendre ses jambes à son cou et détaler d'ici en souhaitant bonne chance aux pauvres bougres qui attendaient ses ordres.
Ces derniers furent bel et bien ceux qu'il se refusait depuis le début à prononcer.

"En avant, sus à l'ennemi! Pour la Gloire de l'Imperium!" cria Ciaphas Cain en ouvrant le feu vers la position ennemie, se ruant avec ses hommes.
Toujours plus loin.
Vers les portes de sa destinée.
Sa chienne de destinée... 

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